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Enquêtes anti-subvention sur les produits chinois, un choix défiant le bon sens
2024/04/17

(Note de l'éditeur : Yi Da est un spécialiste en relations internationales basé à Beijing. Cet article reflète le point de vue de l'auteur et pas nécessairement celui de CGTN.)

Après les voitures électriques, c'est le tour du biodiesel. Avec l'annonce du début d'une enquête anti-dumping sur les importations de biodiesel chinois, l'Union européenne semble être résolue à foncer sur la voie du protectionnisme. Pourtant, comme l'a très justement dit l'ambassadeur chinois auprès de l'UE, Fu Cong, il est important « que le bon sens prévale ». 

En effet, qu'il s'agisse des voitures électriques, du photovoltaïque ou bien du biodiesel, les avis sur la pertinence de telles enquêtes restent partagés au sein de l'Union européenne. Le chancelier allemand Olaf Scholz n'a-t-il pas dit, lors du salon de l'automobile de Munich, qu’« une concurrence loyale favorise les affaires » et que « la concurrence doit nous stimuler, mais pas nous effrayer ».

Protectionnisme pur et simple, politique mue par des calculs électoralistes populistes, anxiété irraisonnable et contreproductive face à un compétiteur fort... Ces enquêtes sont fort reprochables à bien des égards. Cela dit, mettons tout cela de côté pour un instant et raisonnons simplement d'un point de vue factuel pour voir si ces enquêtes peuvent au final atteindre les objectifs visés ou non.

D'abord, de telles enquêtes peuvent-elles aider l'Europe à renforcer son industrie et la rendre plus compétitive ?

La réponse est négative. Estimer pouvoir protéger son industrie en excluant les concurrents étrangers du marché européen n'est qu'un vœu pieux, car il s'agit d'un mépris des lois fondamentales du marché. En effet, l'UE avait adopté la même approche de 2013 à 2018 sur le photovoltaïque, en imposant des tarifs douaniers supplémentaires aux produits chinois. Résultat ? Les entreprises européennes, autrefois confortablement installées derrière le mur protectionniste, ont très vite perdu leurs parts de marché une fois sorties de la bulle protectrice. La surprotection les a privées de la motivation à investir dans l'innovation, tandis que leurs homologues chinois se renforçaient rapidement en surmontant les épreuves de la concurrence internationale. Comment l'UE peut-elle s'attendre à ce que cette approche fonctionne cette fois-ci ?

De nombreux constructeurs automobiles européens ont en effet déjà averti sur l'inefficacité de telles mesures protectionnistes. Des géants de l'automobile comme BMW et Volkswagen ont exprimé leur opposition à l'enquête anti-subvention sur les voitures électriques chinoises, en disant qu'ils s'inquiètent des « effets boomerang », que « si la Chine prend des contre-mesures, cela risquera d'affecter la coopération Europe-Chine dans son ensemble », et qu’« il vaut mieux travailler à créer des conditions favorables en Europe pour le développement de l'industrie plutôt que de se livrer au protectionnisme ». Si l'objectif de l'UE était vraiment de favoriser le développement de ses industriels, alors ne devrait-elle pas au moins les écouter ? Il est plus qu’évident que ce ne sont pas les entreprises qui ont peur de la concurrence, mais ceux qui ouvrent cette enquête contreproductive.

Ensuite, ces enquêtes peuvent-elles rendre l'Europe plus crédible et plus attractive aux yeux des investisseurs étrangers ? 

Absolument non. Mme von Der Leyen, en affirmant que les voitures électriques chinoises sont moins chères que celles de l'Europe parce qu'elles sont subventionnées par le gouvernement chinois, ne peut être plus déconnectée de la réalité. La Chine a déjà mis fin à toutes les subventions aux voitures électriques en 2022. Ce sont plutôt les gouvernements européens qui continuent de subventionner leur industrie : pour une voiture électrique de moins de 50 000 euros, les subventions se comptent en milliers d'euros en France et en Allemagne. Alors, on ne peut s'empêcher de se demander si une telle enquête est fondée sur des faits ou bien sur des considérations politiques. N'est-ce pas une autre forme de « China bashing » dans le domaine commercial ?

Ce seront au final l'image et la crédibilité de l'Europe qui en pâtiront, car l'ouverture de telles enquêtes risque de conduire les entreprises non européennes qui envisageaient d'explorer le marché européen à reconsidérer leur choix. Aujourd'hui ce sont les voitures électriques chinoises qui sont ciblées au nom du « leveling the playing field », demain il pourrait s'agir de n'importe quel autre produit des industriels non européens.

Lors de la conférence annuelle des ambassadeurs de l'UE de novembre dernier, le président Charles Michel avait appelé à la vigilance face au « danger d’être perçu comme pratiquant une forme d'hypocrisie au travers de doubles standards, selon des alliances ou des intérêts à court terme », en invoquant les récents développements au Proche-Orient. Mais ne s'agit-il pas aussi du double standard si l'Europe n'ouvre son marché que dans les domaines où elle est forte dans la concurrence internationale ? N'oublions pas que la crédibilité, on met des années à la construire et quelques minutes à la perdre.

Enfin, de telles enquêtes peuvent-elles rendre l'Europe plus verte ?

La réponse est négative. Pour que la transition verte soit juste et viable, il faut avant tout qu'elle soit abordable pour tous. Les voitures électriques chinoises, avec leur excellent rapport qualité-prix, peuvent grandement contribuer à l'effort climatique en Europe et au-delà. Les près de 400 000 voitures électriques chinoises achetées par les consommateurs européens en 2022, dont chacune émet 1,66 tonne de carbone de moins qu'un véhicule traditionnel, permettront de réduire sur un an 660 000 tonnes d’émission carbone supplémentaires dans l'atmosphère. De plus, les 62 gigawatts de modules photovoltaïques que l'Europe a importés de Chine dans les six premiers mois de 2023 peuvent produire autant d’électricité que 6,7 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Tourner le dos aux produits chinois, c'est donc de priver les consommateurs européens désirant de faire leur part pour protéger notre planète d'un choix important. Et finalement, ce sera la transition verte, dont l'Europe se prétend être la championne, qui se ralentira.

Détruire la concurrence, c'est tuer l'intelligence. Rechercher l'excellence ou faire trébucher l'autre ? Investir dans l'innovation ou se lancer dans une course vers le bas avec des mesures protectionnistes ? Être un acteur crédible sur le marché international ou trahir sa tradition d'ouverture ? L'Europe doit faire le choix. Comme l'ambassadeur Fu Cong l'a dit, nous souhaitons que le bon sens prévale et que le bon choix soit fait.

(Photo : VCG)

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