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Interview de l’Ambassadeur LU Shaye à Mandarin TV sur la visite du président Emmanuel Macron en Chine
2023/04/20

I. Le président français Emmanuel Macron vient d’effectuer une visite d’État de trois jours en Chine. À l’issue de cette visite, la Chine et la France ont publié une déclaration conjointe. Quels sont selon vous le bilan et la portée de cette visite ?

Lu Shaye : Sur l’invitation du président Xi Jinping, le président Emmanuel Macron a effectué une visite d’État réussie en Chine du 5 au 7 avril. C’est la troisième visite en Chine du président Emmanuel Macron, et la première de son second mandat. C’est également la première visite en Chine d’un chef d’État européen depuis la relance globale des échanges entre la Chine et l’étranger et la tenue des deux sessions parlementaires annuelles en Chine. Cette visite a été marquée par des échanges amicaux, approfondis et de qualité entre les deux chefs d’État à Beijing et à Guangzhou, ainsi que leurs nombreuses convergences de vues stratégiques qui ont indiqué la direction, dessiné les perspectives et donné l’élan à la coopération sino-française aux niveaux bilatéral, sino-européen et mondial. Au cours de la visite, les deux parties ont signé près de 40 accords intergouvernementaux et contrats commerciaux, et ont publié une déclaration conjointe en 51 points.

Cette visite a obtenu des résultats fructueux, qui peuvent être résumés comme suit : sur le plan politique, les deux chefs d’État ont estimé que la Chine et la France devraient maintenir le cap d’un partenariat global stratégique sino-français stable, mutuellement bénéfique, entreprenant et dynamique, et les deux parties sont convenues de maintenir la communication entre les chefs d’État et les échanges de haut niveau, et de tenir avant la fin de l’année les nouvelles sessions des trois mécanismes majeurs de dialogue que sont le dialogue stratégique, le dialogue économique et financier de haut niveau et le dialogue de haut niveau sur les échanges humains. Sur le plan économique, les deux parties sont convenues d’approfondir la coopération mutuellement bénéfique dans les domaines de l’aérospatiale, de l’aéronautique, de l’agroalimentaire et de l’économie verte, et la Chine est prête à accueillir la France en 2024 en tant que pays invité d’honneur à la Foire internationale du commerce des services en Chine (CIFTIS) et à la 7e Exposition internationale d’importation de Chine (CIIE). Sur le plan des échanges humains et culturels, les deux parties saisiront l’opportunité offerte par la célébration du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France et l’Année sino-française du tourisme culturel en 2024, pour relancer de manière globale les échanges et coopérations dans les domaines de la culture, de l’éducation, du tourisme, du sport et de l’art. Au niveau Chine-Europe, la Chine et la France ont réaffirmé leur engagement dans l’approfondissement du partenariat stratégique global Chine-UE, la reprise des échanges à tous les niveaux et la réactivation de la coopération mutuellement bénéfique dans tous les domaines. Sur les enjeux globaux, les deux parties se soutiendront mutuellement quant aux initiatives en matière de gouvernance multilatérale et travailleront ensemble pour relever les défis planétaires tels que le changement climatique, la protection de la biodiversité et la sécurité alimentaire. Les deux chefs d’État ont également eu un échange de vues approfondi sur la crise ukrainienne et sont convenus de continuer à renforcer la communication et de jouer un rôle constructif dans la promotion des pourparlers de paix et d’un règlement politique de la crise.

II. Pour sa visite en Chine, le président français était en partie accompagné de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. La Chine, la France et l’UE ont tenu une réunion trilatérale. Comment voyez-vous cet arrangement ?

Lu Shaye : La visite en Chine du président Emmanuel Macron et de la présidente Ursula von der Leyen s’inscrit dans la récente dynamique positive des échanges de haut niveau entre la Chine et l’UE, elle reflète la volonté de la partie européenne de développer les relations avec la Chine et correspond aux intérêts communs de la Chine et de l’UE. Durant cette visite, le président Xi Jinping a accordé une audience à la présidente von der Leyen et tenu une réunion trilatérale avec le président Macron et la présidente von der Leyen, et le premier ministre Li Qiang s’est entretenu avec la présidente von der Leyen. La Chine et l’Europe sont convenues de renforcer la coopération mutuellement bénéfique, de s’opposer au « découplage » et à la « rupture des chaînes industrielles et d’approvisionnement », et de répondre ensemble aux défis planétaires. Les deux parties ont également eu des échanges de vues approfondis sur la crise ukrainienne, soulignant l’importance du maintien de la communication et de la concertation entre la Chine et l’UE et s’engageant à déployer des efforts conjoints pour promouvoir les pourparlers de paix et atténuer les effets de débordement de la crise.

Cette année marque le 20e anniversaire de l’établissement du partenariat stratégique global entre la Chine et l’UE. Sur fond d’une situation internationale complexe et tumultueuse, et face aux risques croissants d’unilatéralisme, de protectionnisme, de division et de confrontation dans le monde, la Chine a toujours travaillé à développer une coopération tous azimuts avec l’Europe sur la base du respect mutuel, de l’égalité et des avantages réciproques. La visite de la présidente von der Leyen a envoyé un signal positif démontrant la volonté de l’Europe de renforcer la communication avec la Chine, de promouvoir les dialogues et coopérations bilatéraux et multilatéraux entre la Chine et l’UE, et de gérer les divergences de manière constructive. Nous apprécions cela, et nous espérons que l’UE fera réellement preuve d’autonomie stratégique et travaillera de concert avec la Chine pour injecter plus de stabilité dans ce monde en pleins bouleversements et mutations.

III. Au terme de sa visite, le président Emmanuel Macron a déclaré, auprès de plusieurs médias dont Les Échos et Politico, que l’Europe devrait être indépendante au lieu d’être « suiviste » des États-Unis, et que le grand risque que court l’Europe en suivant les États-Unis sur la question de Taiwan serait « de se retrouver entraîné dans des crises qui ne sont pas les nôtres, ce qui nous empêcherait de construire notre autonomie stratégique ». Comment voyez-vous ces propos ? Peut-on dire que la France prend ses distances avec les États-Unis sur sa politique chinoise ?

Lu Shaye : Les propos du président Macron ont suscité un grand écho au niveau international. En insistant sur la nécessité pour l’Europe de construire son autonomie stratégique, de s’opposer à la confrontation des blocs et de défendre ses propres intérêts, il n’a fait que dire de grandes vérités et réaffirmer des points de vue cohérents qu’il avait toujours assumés. C’est dans la continuité de la longue tradition d’indépendance et d’autonomie de la France. Ces propos portent aussi la voix de nombreuses personnalités européennes clairvoyantes, des dirigeants européens comme le président du Conseil européen Charles Michel ont salué et soutenu ces propos. En même temps, nous avons entendu beaucoup de critiques et d’interprétations déformées. À vrai dire, il n’est pas surprenant que certains Américains critiquent les propos du président français, car ils sont tellement habitués à être le maître de l’alliance occidentale et à ce que les autres obéissent à leurs moindres volontés, qu’ils ne veulent pas voir leurs alliés devenir indépendants et autonomes. Cependant, certains Français et Européens ont aussi jugé ces propos inacceptables, ce qui est plus intrigant. Ces gens-là devraient se demander ceci : est-ce qu’ils représentent les intérêts de l’Europe, ou ceux des États-Unis ? Cela révèle que le chemin vers l’autonomie stratégique européenne sera semé d’embûches. 

L’Europe est la région qui regroupe le plus de pays développés dans le monde. À tous points de vue, elle serait une force majeure sur la scène internationale et pourrait devenir un pôle indépendant dans un monde multipolaire, à condition qu’elle tienne à son autonomie stratégique et reste indépendante. Sinon, l’Europe ne sera pas en mesure de maîtriser son propre destin et de gagner le respect des autres pays, et encore moins de devenir un pôle puissant. La Chine est un partenaire stratégique global de l’Europe et sa politique européenne est constante. Nous avons toujours insisté sur le principe que les relations sino-européennes ne visent aucune partie tierce, ne dépendent d’aucune partie tierce, et ne se soumettent à aucune partie tierce, et nous sommes prêts à travailler avec l’Europe sur la base de l’indépendance et du bénéfice mutuel pour construire un monde meilleur. Nous sommes convaincus que la France continuera à jouer un rôle actif dans ce processus, et nous espérons que tous les milieux en France et en Europe réfléchiront réellement à leur propre avenir, plutôt que de dépendre des autres voire d’être à la merci des autres.

En réponse à certaines critiques contre les déclarations du président Macron sur Taiwan, je voudrais réitérer que la question de Taiwan relève purement des affaires intérieures de la Chine. Le principe d’une seule Chine est le consensus général de la communauté internationale et fait partie des normes fondamentales régissant les relations internationales. Aujourd’hui, la plus grande menace sur la paix dans le détroit de Taiwan vient des activités sécessionnistes visant à l’« indépendance de Taiwan », incitées et soutenues par des forces extérieures dirigées par les États-Unis. Si l’Europe veut vraiment le maintien de  la paix et de la stabilité du détroit de Taiwan, elle devra condamner les activités sécessionnistes visant à l’« indépendance de Taiwan » et l’ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures de la Chine, au lieu de tenir des commentaires déplacés sur les efforts du gouvernement chinois visant à défendre la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale et à stopper les velléités sécessionnistes prônant l’« indépendance de Taiwan ».

IV. « Je crois qu’il y a une attraction réciproque entre la Chine et la France. Une fascination, une amitié, un chemin un peu singulier ». C’est ce qu’a dit le président Emmanuel Macron, cité dans une vidéo documentaire sur son voyage en Chine publiée le 9 avril sur le site officiel de l’Elysée. Il a notamment salué le rôle majeur de la Chine dans la construction de la paix, ainsi que les échanges et coopérations entre la Chine et la France dans divers domaines. La Chine, de son côté, a accueilli le président français avec tous les honneurs : une cérémonie d’accueil solennelle devant le Grand Palais du Peuple, où la fanfare militaire a exécuté les hymnes nationaux chinois et français, et 21 coups de canon ont été tirés. Le soir de son arrivée à Guangzhou, le pont Liede était illuminé aux couleurs des drapeaux chinois et français. Tout cela démontre l’importance qu’attache la Chine à la visite du président Macron. Cette visite a-t-elle rapproché les liens entre les deux pays ?

Lu Shaye : Le président Macron avait un souhait de se rendre en Chine une fois par an, mais cela n’a pas été possible en raison de la pandémie. Cette fois-ci, après trois ans d’absence, il a foulé à nouveau le sol chinois et a été accueilli chaleureusement par le gouvernement et le peuple chinois. C’est dans les détails que l’on voit les meilleurs sentiments d’amitié. Comme vous l’avez mentionné, plusieurs temps forts de cette visite sont souvent cités : à l’hôtel Songyuan à Guangzhou, les deux chefs d’État ont dégusté du thé au bord de l’étang et discuté du passé et du présent, ils ont écouté l’air de musique chinois millénaire Montagne majestueuse et rivière mélodieuse devant un instrument de musique traditionnel chinois qui s’appelle guqin, agé de mille ans. À l’Université Sun Yat-sen, le président Macron a été reçu en « star », les vidéos le montrant débuter son discours en mandarin et en cantonais et échanger chaleureusement avec les étudiants et les enseignants ont fait le tour des réseaux sociaux chinois. Le président Macron a posté plus de dix tweets d’affilée, avec « vive l’amitié entre la Chine et la France » en trois langues. Et sa vidéo sur cette visite a eu près de dix millions de vues rien que sur Twitter. 

Au cours de cette visite, les deux chefs d’État sont parvenus à de nombreux consensus stratégiques qui ont ouvert de nouvelles perspectives aux relations sino-françaises et donné un nouvel élan à la coopération entre les deux pays. Pour la prochaine étape, la Chine et la France tiendront avant la fin de l’année les nouvelles sessions des trois mécanismes majeurs de dialogue que sont le dialogue stratégique, le dialogue économique et financier de haut niveau et le dialogue de haut niveau sur les échanges humains, et saisiront l’opportunité offerte par la célébration du 60e anniversaire de leurs relations diplomatiques et l’Année sino-française du tourisme culturel en 2024 pour relancer sur tous les plans les échanges et coopérations entre les deux pays. Nous nous approchons avec confiance d’un nouveau temps fort des relations sino-françaises.

V. Le président Xi Jinping envisage-t-il de visiter la France dans un avenir proche ?

Lu Shaye : Je pense que c’est possible. La diplomatie de chefs d’État joue un rôle de pilotage stratégique majeur dans le développement régulier du partenariat global stratégique sino-français. L’article premier de la déclaration conjointe sino-française publiée au cours de cette visite souligne que les deux pays maintiendront des rencontres annuelles entre les deux chefs d’État, ce qui illustre une vive volonté des deux parties de maintenir la communication stratégique au niveau suprême. Cette fois-ci, les deux chefs d’État ont eu des échanges approfondis de longue durée et de grande qualité, faisant de l’« entretien à l’hôtel Songyuan » un autre moment mémorable dans l’histoire des échanges sino-français après la « discussion au jardin Yuyuan » à Shanghai il y a trois ans. Je suis convaincu que le président Xi Jinping et le président Emmanuel Macron continueront leurs échanges réguliers et écriront de belles histoires d’amitié.


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