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Interview accordée par l’Ambassadeur LU Shaye à LCI
2022/11/01

Le 28 octobre2022, l’Ambassadeur de Chine en France LU Shaye a accordé une interview à LCI sur le 20e congrès du PCC, ect., voici l’intégralité de l’interview :

Q: Quand vous regardez cette carte, quel est votre commentaire ?

R: La carte?

Q: La carte qu’on voit 800 millions d’occidentaux contre en Asie maintenant et dans des régimes de dictatures dont le vôtre, 3 milliards d’êtres.

R: Nous ne sommes pas un régime de dictature, nous sommes une démocratie populaire.

Q: Sur le poids démographique. Est-ce que selon vous, la logique démographique risque de...

R: La démographie ? Je pense que la Chine représente maintenant numéro un ou numéro deux de la planète. Et vous voulez dire quoi ?

Q: Est-ce que le sens de l’histoire, selon vous, est là, inéluctablement?

R: Les Chinois ont la confiance en leur avenir. Maintenant, je pense que le développement chinois marche assez bien.

Q: On va en parler. Développement économique mais aussi question des droits humains violés à une très grande échelle dans votre pays. Monsieur l’ambassadeur, il faut rappeler ce que vous représentez parce que c’est très intéressant. D’abord, vous parlez très bien français et ce n’est pas par hasard. Vous étiez directeur de la division Afrique au Ministère des Affaires étrangères. C’est un poste très important parce que dans la conquête de l’influence chinoise en Afrique, vous avez beaucoup compté.

R: Comme la Chine a des relations traditionnelles de coopération avec les pays africains, nous considérons les pays africains, le continent africain, comme notre partenaire stratégique principal. Le département de l’Afrique au Ministère des Affaires étrangères représente en effet un département important.

Q: Alors quand on entend ça, quand on sait, on va parler que vous avez été maire adjoint de Wuhan, la fameuse ville si importante dans le Covid. Combien d’habitants à Wuhan ?

R: 10 millions.

Q: C’està peu près Paris, c’est le Grand Paris. On mesure que dans le Parti communiste chinois et pour être ambassadeur à Paris, maintenant, vous jouez un rôle important et vous êtes très en cours à Pékin. On va vous entendre sur le tournant que prend la Chine dans ses relations avec la Russie, dans son pouvoir, dans sa volonté de pouvoir dans le monde. Votre réaction d’abord à ce que dit Vladimir Poutine à ce sujet, ce nouvel ordre mondial que vous appelez qu’ils appellent en tout cas de leurs vœux. Ecoutons-le.

«L’Occident n’est pas capable de gouverner seul l’humanité mais essaie désespérément de le faire. Et la plupart des peuples du monde ne veulent plus supporter. C’est là que réside la principale contradiction de la nouvelle ère, pour reprendre les mots d’un classique de Lénine. La situation est révolutionnaire dans une certaine mesure. Les élites ne sont pas capable, et les gens ne veulent pas vivre comme ça. »

Q: Monsieur l’ambassadeur, est-ce que vous partagez simplement le point de vue de Vladimir Poutine ?

R: Nous sommes pour la construction d’un nouvel ordre mondial qui est multipolaire. Nous préconisons que les affaires internationales doivent être gérées par tous les pays du monde. C’est ce que préconise le président Xi Jinping dans son rapport au 20eCongrès.

Q: Est-ce que vous comprenez cependant qu’une ONG européenne veut venir en aide àdes Ouïghours qui sont dans une situation difficile par la faute de votre gouvernement ou que des chrétiens, que le pape François, que le Vatican veut aider, des chrétiens qui sont persécutés en Chine.

R: Il n’y a pas de problème au Xinjiang, àla population ouïghoure au Xinjiang. Donc on n’a pas besoin de ces soi-disant assistances ou aides.

Q: Ce n’est pas ce que dit par exemple le journal Le Monde, qui a fait une enquête très complète qui montre que le taux d’emprisonnement dans ces minorités est supérieur mêmeà ce qui avait lieu sous la période stalinienne. Ce qui est évidemment accablant pour vous.

R: Comment ils ont fait ces enquêtes ? Ils ont amené quelques soi-disant « témoins », six ou huit personnes, une dizaine de personnes. Ils racontent des mensonges, et vous les prenez pour preuves. Ce n’est pas juste.

Q: Alors, Monsieur l’ambassadeur, entre un journal d’un pays démocratique qui travaille librement et une dictature importante, vous représentez 1,4 milliard de personnes, mais une dictature. Le choix est vite fait.

R: Nous ne sommes pas une dictature. J’ai déjà réaffirmé tout à l’heure. La Chine est une démocratie populaire socialiste.

Q: On va reparler de droits humains. Mais le sens de votre politique aujourd’hui. Nous vivons des heures importantes. C’est le discours de XI Jinping qu’il a tenu lors du congrès, notamment sur Taiwan. C’est maintenant gravé dans le marbre que vous ne reconnaîtrez jamais l’indépendance de Taiwan. C’est exact ?

R: Effectivement, le président XI Jinping a parlé beaucoup de la question de Taiwan. Je vais vous présenter intégralement. Il a dit que résoudre la question de Taiwan et réaliser la réunification complète de la patrie constitue une tâche historique immuable du Parti communiste chinois. Cette entreprise correspond à l’aspiration commune des compatriotes des deux rives du détroit et de la nation chinoise.

Q: Donc, tôt ou tard, Taiwan sera dans le giron de la Chine. C’est ce que vous dites ?

R: C’est ça. Nous pratiquons, nous appliquons le principe dit « réunification pacifique, un pays, deux systèmes ». Ce principe constitue le meilleur moyen de réaliser la réunification des deux rives du détroit.

Q: Monsieur l’ambassadeur. Pardon. Je me permets de vous interrompre parce que vous disiez le vœu des peuples. La presse démocratique dont je parlais tout àl’heure, rapportait ce sondage. l’Université nationale Chengchi de Taipei, dit selon le dernier sondage en juin réalisé à Taiwan, que 64 % des personnes interrogées se disent Taiwanais, environ 30 % se sentent à la fois Taiwanais et Chinois, seuls 2,4 % se sentent avant tout Chinois.

R: Alors si vous faites le sondage dans la population totale de 1,4 milliard de Chinois, vous pouvez voir que plus de 99 % de Chinois sont pour la réunification.

Q: Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ça, je pense que vous le reconnaissez tout de même, C’est aux Taiwanais de décider de leur destin. Ce n’est pas de la totalité des Chinois.

A: Taiwan appartient à la Chine, donc ce sont les Chinois qui décident du destin de Taiwan.

Q: Est-ce que là ce n’est pas le mot du lion ? De même que Staline disait « c’està moi ». Est-ce que vous ne tenez pas exactement le même discours que Staline ? Le plus grand dictateur.

R: Je ne connais pas ce que disait Staline.

Q: Peu importe le pourcentage de Taiwanais…

R: Je ne connais pas le discours de Staline, je connais seulement la volontédu peuple chinois qui est la réunification de la patrie.

Q: Mais vous ne reconnaissez pas la volonté du peuple taiwanais. De même que le peuple ukrainien…

R: Il vous faut reconnaître encore plus la volonté du peuple chinois de 1,4 milliard.

Q: Est-ce que ça ne s’appelle pas simplement en bon français, un empire ?

R: Ce n’est pas un empire. C’est une république.

Q: Quand on dit que c’est l’empire qui décide pour sa province, ça s’appelle un empire. Il y en a eu d’autres. Les Occidentaux ont eu des empires aussi.

R: C’est votre logique. C’est la logique occidentale. Dans la civilisation chinoise, il n’y a pas cette logique empire. Pour nous, c’est le peuple qui décide du destin du pays.

Q: Mais non non non. Le peuple de Taiwan, pas le peuple de Chine. Ce n’est pas aux Chinois de mettre leurs griffes sur un pays indépendant.

R: Vous vous trompez, vous vous trompez. Parce que Taiwan appartient àla Chine.

Q: Ça n’est pas une assemblée de copropriété, il ne s’agit pas d’un appartement, Monsieur l’ambassadeur, il s’agit d’un peuple libre.

R: Le peuple chinois est libre, n’est-ce pas ?

Q: Oui, mais il n’est pas libre de décider pour les autres.

R: Le peuple chinois est libre de décider de son destin, le destin du pays.

Q: Monsieur l’ambassadeur, la force. C’est ce qu’a dit XI Jinping. Il ne renoncera pas àla force pour mettre en œuvre ce dessein.

R : C’était ça, oui, je vais lire ce qu’il a dit. Taiwan appartient à la Chine. C’est une question que seuls les Chinois peuvent trancher. Nous continuerons à manifester la plus grande sincérité et à faire tout notre possible en vue de réaliser la réunification pacifique. Cependant, nous ne pouvons garantir que nous n’aurons jamais recours à la force. Et nous gardons toutes les options ouvertes.

Q: Est-ce que nous allons à la guerre ?

R: Nous ne ciblons en aucun cas nos compatriotes de Taiwan. Mais les ingérences des forces extérieures et les activités sécessionnistes d’une infime minorité d’éléments visant à l’indépendance de Taiwan.

Q: Je répète, ce n’est pas une infime minorité. Je comprends. Selon les sondages, l’indépendance n’est pas une infime minorité. L’infime minorité, c’est de votre côté, ce sont ces 2.4 % qui se disent avant tout Chinois. Mais quoi qu’il en soit, est ce qu’on va à la guerre ? Quand on voit les budgets militaires, regardons-les. Les Américains sont loin devant. Ça, on peut vous le concéder volontiers. Mais la Chine fait monter son budget militaire de manière tellement impressionnante. Quand on est àbientôt 300 milliards de dollars, l’histoire montre que quand on s’arme à ce point, c’est qu’on a un but.

R : Oùest le problème ?

Q : Je ne dis pas que c’est un problème.

R : La Chine doit avoir la capacité et les moyens de se défendre.

Q : C’est votre droit le plus strict, mais...

R : Alors la Chine a une population de 1.4 milliard. Combien de personnes aux Etats-Unis, nous sommes quatre fois la population des Etats-Unis. Mais les dépenses militaires des Etats-Unis sont trois fois les dépenses de la Chine.

Q : Quand, dans votre esprit, Taiwan sera-t-il dans le giron chinois ?

R : Voyez, on va faire tous nos efforts et on va faire le mieux pour réaliser le plus tôt possible la réunification de la patrie.

Q : Vous savez que les précédents ne plaident pas pour vous. Vous entendez ces ONG à Hong Kong qui disent à quel point vous avez trahi vos promesses puisque la démocratie à Hong Kong ne s’exerce pas librement.

R : Vous utilisez encore un mauvais mot. On n’a pas trahi, mais on respecte strictement notre engagement. On met en œuvre de manière intégrale et précise le principe « un pays, deux systèmes » à Hong Kong et maintenant on peut voir que l’ordre est rétabli à Hong Kong et la région repart de l’avant dans un processus de développement paisible.

Q : A quel prix ? Avec des organisations de censure, avec des arrestations d’opposants à Hong Kong.

R : Ces personnes-là ont enfreint la loi à Hong Kong.

Q : La loi politique.

R : La loi juridique. Y compris, bien sûr, la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong, mais aussi les lois élaborées dans la période de la gouvernance des Anglais.

Q : Monsieur l’ambassadeur, Vous êtes une puissance inouïe dans le monde d’aujourd’hui. Les Occidentaux ont fait leur méa culpa sur le colonialisme, sur l’esclavage. Les Allemands ont fait leur méa culpa sur les erreurs qu’ils ont commises sous Hitler. Vous n’avez fait pas de méa culpa sur les erreurs commises sous Mao.

R : Vous voulez discuter de quoi avec moi ce soir ?

Q : Je vous pose la question.

R : De quoi ? De l’actualité internationale ? De la situation actuelle de la Chine ou bien du 20ᵉ congrès du Parti communiste chinois ?

Q : On va entendre dans un instant la prix Nobel…

R : Mais il ne faut pas...

Q : La prix Nobel ukrainienne qui dit, c’est en connaissant les crimes du goulag qu’elle a eu sa prise de conscience et beaucoup de Chinois libéraux…

R : Il ne faut pas me poser des questions avec des préjugés.

Q : Je vous pose aucun préjugé. Non, mais comme Mao a commis les...

R : Il faut faire l’intervention d’égal à égal.

Q : C’est tout àfait égal et je respecte tout à fait votre personne et votre rôle. Mais les crimes de Mao, ce n’est pas une théorie.

R : Ce n’est pas des crimes.

Q : Ce n’est pas des crimes ?

R : Bien sûr. Mao, il est un grand héros de la nation chinoise. C’est lui qui a fondé la République populaire de Chine. Bien sûr, dans la recherche de la construction du socialisme et de la modernisation du pays, il a fait des erreurs. Le Parti communiste chinois le reconnaît, mais ses exploits sont beaucoup plus grands que ses erreurs. Tout le peuple chinois l’apprécie beaucoup jusqu’à aujourd’hui.

Q : Vous êtes conscient qu’il y a diversitédes points de vue dans ce monde ? Il y a des Russes qui considèrent que Staline, le Staline victorieux de 1945, rattrape en effet toutes les erreurs passées. Enfin, que d’horreurs, que de camps, que de malheureux, les famines, les millions de paysans massacrés, tout ça quand même !

R : Vous avez toujours utilisé de mauvais mots. Qu’est-ce que c’est que ce massacre ?

Q : Par les famines.

R : Par les famines ?

Q : Par les famines causées par l’homme.

R : Je vous donne des chiffres. En 1949, lors de la fondation de la République populaire de Chine, la population de la Chine était 400 millions. Au début du 20ᵉ siècle, la population de la Chine était aussi 400 millions. Vous pouvez voir que pendant un demi siècle, la population de la Chine n’a pas augmenté. Pourquoi ? A cause de la guerre, à cause de la famine, mais ce n’était pas sous le régime du Parti communiste chinois. Au début des années 80, la population chinoise a augmenté à 800 millions, doublé. Vous dites que le Parti communiste chinois a fait le massacre, a imposé la famine au peuple, àla population. Mais comment la population chinoise a pu augmenter, et doubler ?

Q : Monsieur l’ambassadeur, chacun se référera aux livres d’histoire à ce sujet.

R : Est-ce que c’est logique ?

Q : Monsieur l’Ambassadeur, chacun se référera aux livres d’histoire à ce sujet. Revenons, puisque vous le souhaitiez, à l’actualité de ce congrès. Est-ce qu’il y a un tournant idéologique du Parti aujourd’hui ? Je cite votre Président qui critiquait l’ancien ordre. Il disait la direction du Parti était affaiblie, vidée de son contenu et diluée ; des courants d’idées erronés tels que le culte de l’argent, la recherche du plaisir étaient récurrents ; le désordre régnait sur Internet. Est ce qu’il y a un tournant que veut prendre de façon intérieure le Parti communiste chinois ?

R : Cela démontre exactement que notre Parti a le courage de reconnaître les erreurs faites dans le passé.

Q : Ça c’est un passé proche. On ne parle plus de Mao. Qu’on comprenne bien, on parle de l’ère des dirigeants précédents.

R : Vous voulez semer la zizanie au sein du Parti ?

Q : Non non non, pas tout à fait. Je ne m’occupe pas des affaires de votre Parti. Il faut qu’on comprenne bien. Est-ce qu’il y a là, de la même façon qu’il y a en Russie une inflexion du régime Poutine, une inflexion de votre régime ?

R : Notre parti a le courage de corriger les erreurs pour mieux partir vers l’avenir. Ce 20ᵉ congrès a pour thème « porter haut levé le grand drapeau du socialisme à la chinoise », c’est-à-dire savoir innover tout en maintenant les principes fondamentaux.

Q : Est-ce que vous considérez que, d’une certaine manière, c’est votre heure ? Dans le passé, et ça il faut vous le concéder, les Occidentaux, par exemple, se sont parfois très mal comportés à l’égard de la Chine. Je pense aux Guerres de l’Opium où notamment les Anglais ont voulu imposer le commerce de l’opium de manière tout à fait honteuse aux Chinois. C’était le 19ᵉ siècle, là, on est au 21ᵉ siècle. Est-ce qu’il y a encore un sentiment de revanche ?

R : Il faut que les Occidentaux changent leur comportement vis-à-vis des pays en développement.

Q : En quel sens ?

R : Il ne faut pas intervenir dans les affaires intérieures des pays en développement. Il faut respecter les voies de développement choisies par eux.

Q : Même si ce ne sont pas des démocraties.

R : Le monde est multicolore. Les différents pays ont le droit de choisir leur propre voie de développement, leur propre régime politique social, n’est-ce pas ? Les pays occidentaux, vous avez vos régimes politiques, nous ne sommes pas intervenus dans vos affaires intérieures, donc nous vous demandons de ne pas le faire non plus.

Q : Est-ce que vous suivez la Russie ? Est-ce que votre alliance se resserre ? On a vu les derniers chiffres dans l’achat du gaz. Ce n’est pas seulement de la théorie, c’est la réalité des achats du gaz russe où je vois que vous avez augmenté de manière très significative l’achat de gaz russe. Est-ce que c’est un signal de plus que vous vous considérez comme allié de la Russie ?

R : La Chine ne fait pas d’alliance. Nous avons un partenariat stratégique avec la Russie. Bien sûr, nous avons des relations normales de commerce économique avec la Russie. En ce qui concerne l’achat de gaz, oui, la Chine en a besoin. C’est pourquoi on en achète.

Q : Du point de vue des Occidentaux, vous savez que ça veut dire financer la guerre de la Russie, la guerre d’agression contre l’Ukraine.

R : Alors les pays occidentaux ont financé aussi la guerre de la Russie en Ukraine. Parce que vous achetez aussi le gaz, mais maintenant malheureusement vous ne pouvez plus acheter, parce que les deux gazoducs Nord Stream ont été dynamités. Mais par qui ? Est-ce que vous condamnez le coupable ?

Q : Qui est le coupable selon vous ?

R : Selon vous, qui est le coupable ?

Q : Je ne sais pas.

R : Je ne vois pas que les pays occidentaux condamnent le coupable.

Q : Encore faudra-t-il le trouver. Pour l’instant il n’y a aucune preuve.

R : Mais tout le monde connaît la raison, n’est-ce pas ?

Q : C’est à dire ?

R : Vous le connaissez. Ce n’est pas la peine de vous le dire.

Q : Vous voulez dire que ce sont les Occidentaux qui l’ont fait ? Ou les Américains ?

R : Vous connaissez ?

Q : Je vous pose la question.

R : Vous le connaissez !

Q : Je crois avoir vu une caricature de l’Ambassade de Chine que vous avez retweetée.

R : Soyez honnêtes.

Q : Sincèrement il n’y a aucune preuve de personne. Toutes les hypothèses existent, y compris d’ailleurs les Américains. Ça fait partie des hypothèses que nous avons évoquées ici même. Vous, vous avez twitté, dites-moi si je me trompe, une caricature qui a accusé précisément les Américains.

R : En général, quand il se passe quelque chose dans le contexte du conflit russo-ukrainien, les pays occidentaux accusent toujours en premier temps la Russie. Mais cette fois-ci, vous n’accusez pas, et vous ne condamnez pas la Russie.

Q : Vous avez été, Monsieur l’ambassadeur, maire adjoint de Wuhan, et je le disais tout à l’heure, c’est dire à quel point il est intéressant de vous entendre, parce que visiblement, votre position dans le Parti est très importante, parce que c’est une ville très importante. Quand on regarde toute la gestion de la COVID et les images que nous avons reçues encore ces derniers temps sur les manifestations de Chinois qui, d’un immeuble à l’autre, se plaignent pour les manières de confiner extrêmement autoritaires et l’espionnage par drones qui circulent au milieu des immeubles pour surveiller que les gens restent bien dans leur immeuble. Est-ce que vous comprenez que, vu des démocraties occidentales, ce sont des méthodes extrêmes ?

R : Ce n’est pas l’espionnage. Je pense que la Chine a adopté une approche de contrôle sanitaire tout à fait différente des pays occidentaux. C’est vrai. Mais notre approche est beaucoup plus efficace que la vôtre. En Chine, il y a beaucoup moins de cas contaminés et encore moins de décès.

Q : Il reste, quoi qu’il en soit, que c’est de Chine que sont parties un très grand nombre des contaminations qui ensuite ont disséminé sur le reste du monde. Ça, c’est difficile de nier, non ?

R : Vous voulez encore faire la confusion. C’est la Chine qui a signalé en premier le coronavirus. Nous avons communiqué tout de suite à l’OMS et au monde entier. Et la Chine a pris tout de suite des mesures très strictes y compris en fermant toute la ville de Wuhan.

Q : Nous poursuivrons ce débat puisque dimanche, c’est Agnès Buzyn, l’ancienne ministre de la Santé en France, qui sera notre invitée dans cette même émission. Mais un point encore là-dessus, puis on revient avec l’actualité internationale plus précisément. Vous savez que régulièrement est venue la supposition selon laquelle une fuite de virus aurait eu lieu depuis ce laboratoire situé à Wuhan, centre où des Occidentaux travaillent d’ailleurs, ce n’est pas que des Chinois, évidemment. Est-ce que cette hypothèse existe encore à vos yeux ?

R : Je pense que s’il existe la possibilité de la fuite du virus d’un laboratoire, le virus aurait fui des laboratoires américains. Parce que l’OMS a déjà envoyé à deux reprises des experts en Chine pour faire de la recherche scientifique sur l’origine du virus. Ils ont éliminé la possibilité de la fuite des laboratoires chinois. Alors bien sûr, on ne peut pas, y compris les experts de l’OMS, ils n’ont pas et ne peuvent pas éliminer toutes les possibilités de la fuite de laboratoires, y compris des laboratoires américains.

Q : Monsieur l’ambassadeur, Mais si on reste à l’influence chinoise aux côtés de l’influence russe, vous êtes un témoin très important, un acteur, parce que Direction Afrique au Ministère chinois des Affaires étrangères. On voit à quel point la Chine est en train de prendre pied en Afrique au détriment de la France. Est-ce que selon vous, c’est le cours normal de l’Histoire ?

R : Ce n’est pas notre faute. L’influence de la Chine augmente en Afrique, c’est parce que nous avons beaucoup fait. Nous avons aidé les pays africains à construire leurs infrastructures. N’est-ce pas? Je pense que la France doit faire plus d’efforts si elle veut faire la compétition avec la Chine en Afrique. D’ailleurs, la Chine a proposé à la France de faire la coopération tripartite en Afrique. Nous pensons que nous sommes partenaires de coopération en Afrique, et nous ne sommes pas compétiteurs.

Q : De fait, là où la Chine avance, là où la Russie avance avec Wagner, souvent maintenant, la France recule.

R : Mais pourquoi la France recule ? La France peut avancer, pourquoi reculer ?

Q : Est-ce que c’est le sens de l’Histoire ? Il n’y a pas d’empire qui soit auto-contraint, on le sait bien depuis l’Empire romain et même avant. Est-ce que tôt ou tard, la Chine voudra aller toujours plus loin ?

R : La Chine veut toujours se développer, se développer toujours plus pour offrir une vie meilleure à son peuple.

Q : Vous avez pris des parts, c’est une des nouvelles du dernier jour et elle est très spectaculaire, dans le port de Hambourg. C’était vraiment, jusqu’à il n’y a pas longtemps, le symbole du vieux commerce européen avec la puissance européenne. On peut voir peut-être la carte, à quel point tous ces ports qui incarnaient Rotterdam et autres, c’était vraiment la puissance occidentale européenne, et peu à peu ce sont beaucoup des ports chinois. Tant mieux pour vous si on se place l’objectif de la rivalité des puissances. Est-ce que vous allez continuer cette politique ? Vous avez acheté une partie du Pirée aussi en Grèce. Est-ce que vous allez continuer cette politique d’achat en Europe ?

R : Mais c’est une activité commerciale, n’est-ce pas ? C’est le résultat de la mondialisation économique. La Chine vient en Europe pour aider les pays européens à mieux gérer les ports.

Q : Aider ? Pardon, c’est comme les Américains qui venaient « aider » avec le plan Marshall, chacun prend toujours plus de parts, parce que c’est la compétition des puissances, mais ce n’est pas « aider ». Ça s’appelle la « conquête économique », en bon français.

R : Vous le considérez comme la conquête, mais pour nous, c’est la coopération, ce n’est pas la conquête, c’est gagnant-gagnant, n’est-ce pas ?

Q : Je vous citais Bonaparte lorsqu’on s’est déjà vu une fois, qui disait « quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». Vous vous rappelez ?

R : Oui. Quand la Chine se réveille, le monde en bénéficiera. La Chine veut se développer en sauvegardant la paix et le développement dans le monde, et elle fait en sorte que son développement profite à son tour à la paix et au développement dans le monde.

Q : Monsieur l’ambassadeur, merci, on vous a entendu et on sait combien la Chine est contestée dans cette question des droits humains. Un dernier mot sur la langue parce que vous parlez en français, c’est ce qui marque le plus souvent. Comment vous avez appris de cette façon-là si bien le français ?

R : En Chine.

Q : Ce n’est pas ensuite en Afrique ? Totalement en Chine ?

R : Totalement en Chine et je le pratique en Afrique et en France.

Q : Merci Monsieur l’ambassadeur d’avoir été notre invité.

R : Merci.


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